UnRoi sans divertissement est un homme plein de - une citation de Pascal. Citations Citations du Littré Un Roi sans divertissement est un homme plein de misÚres. Pensées, Blaise Pascal, éd. Gallimard (édition de Michel Le Guern), coll. Folio classique, 1977 (ISBN 2070316254), p. 72 de Pascal. Pascal . Une citation de Pascal proposée le
LitteratureEn Poche - UN ROI SANS DIVERTISSEMENT de GIONO, JEAN : Seulement, ce soir-là , il ne fumait pas un cigare : il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardÚrent comme d'habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la mÚche. Et il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui
Unepensée vieille comme le monde, sur laquelle ont brodé Montaigne, Bossuet et La BruyÚre, mise en maxime par Pascal ("Un roi sans divertissement est un homme plein de misÚres"), a inspiré à Giono, à propos d'un épisode de banditisme montagnard, une oeuvre mystérieuse et troublante. En purgeant la contrée d'un malfaiteur - qu'il se garde
UnRoi sans divertissement est un homme plein de misĂšres âIl me manque quelque chose dans ma vie !â chantaient en 2009 les danseurs du mouvement âBack in Franceâ qui prĂŽnent Ă travers un court mĂ©trage, façon comĂ©die musicale, le retour de Burger King dans lâhexagone. 12 ans aprĂšs la disparition du dernier Burger King de France, ils dĂ©filent
Lesautres citations de Blaise Pascal. C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possÚde la vérité. On aime mieux la chasse que la prise. A mesure que l'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun n
Quia dit : "Un roi sans divertissement est un homme plein de misÚres " ? Seulement, ce soir-là , il ne fumait pas un cigare : il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardÚrent comme d'habitude, la petite brise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la mÚche.
QuandGiono abandonne la rĂ©daction du Hussard sur le toit, il se lance dans Un roi sans divertissement. Au cholĂ©ra succĂšde le meurtre, autre symbole du mal. Par cette citation de Pascal : " Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ", Giono achĂšve sa chronique en 1947, et fait ainsi rĂ©fĂ©rence Ă la thĂ©orie du divertissement quâil Ă©nonce
ZV4s3Mh. Qu'on laisse un roi tout seul sans compagnie, penser Ă lui tout Ă loisir ; et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Citation de Blaise Pascal Cette citation de Blaise Pascal Qu'on laisse un roi tout seul sans compagnie, penser Ă lui tout Ă loisir ; et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. , fait partie des plus belles citations et pensĂ©es que nous vous proposons de Blaise Pascal. Partager cette citation Vous trouverez ci-dessous des illustrations de cette citation de Blaise Pascal que vous pouvez facilement tĂ©lĂ©charger ou publier directement sur vos rĂ©seaux sociaux prĂ©fĂ©rĂ©s tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Pinterest. Citations similaires Dans les citations ci-dessous vous trouverez des citations similaires Ă la citation de Blaise Pascal Qu'on laisse un roi tout seul sans compagnie, penser Ă lui tout Ă loisir ; et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. , contenant les termes laisse, compagnie et penser. Voir d'autres citations d'auteurs DĂ©couvrez des centaines d'auteurs cĂ©lĂšbres et toutes leurs citations cĂ©lĂšbres. Alphonse de Lamartine Ăric-Emmanuel Schmitt Gilbert BĂCAUD Jacques AUDIBERTI Jean-Marie ADIAFFI Jovette-Alice BERNIER Marcel AYMĂ MĂšre TERESA MikhaĂŻl BAKOUNINE Nicolas BOILEAU Patrick TIMSIT Zinedine Zidane Rechercher une citation
Dictionnaire des citationsIl n'y a que les mots qui comptent, â le reste n'est que bavardage. [ EugĂšne Ionesco ] Chaque citation exprime les opinions de son auteur et ne saurait engager Dicocitations. citations fĂ©vrier 26, 2012 FrĂ©dĂ©rick JĂ©zĂ©gou Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. PascalLe Dico des citationsâ Nous vivons Ă une Ă©poque oĂč, pour avoir du poids, il faut faire du passe une vie Ă remplir une maison ; et quand elle est pleine, on casse les choses pour pouvoir les remplacer, pour avoir quelque chose Ă faire le lendemain. On va mĂȘme jusquâĂ casser son couple pour se projeter dans une autre histoire, un autre futur, une autre maison. Une autre vie Ă remplir. â Une pensĂ©e sur âUn Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres.â CochonfuciusaoĂ»t 3, 2012 Ă 1009Permalink Facile pour lui de s'en crĂ©er. Commentaires fermĂ©s. © 2001- 2022 FrĂ©dĂ©ric JĂ©zĂ©gou - & Dicocitations SAS - DonnĂ©es personnelles - Plan du site - Mentions lĂ©gales La base de donnĂ©es des citations est la propriĂ©tĂ© exclusive de FrĂ©dĂ©ric JĂ©zĂ©gou producteur du contenu .
Jean Giono Un Roi sans divertissement 1947 SOMMAIRE Qu'on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin de l'esprit, sans compagnies et sans divertissements, penser Ă lui tout Ă loisir, et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. [...] Et c'est pourquoi, aprĂšs leur avoir prĂ©parĂ© tant d'affaires, s'ils ont quelque temps de relĂąche, on leur conseille de l'employer Ă se divertir, et jouer, et s'occuper toujours tout entiers.» Pascal, PensĂ©es, 137, 139. I - GenĂšse de l'Ćuvre - Le genre de la chronique. Un Roi sans divertissement est contemporain d'une phase sombre dans la vie de Jean Giono. IncarcĂ©rĂ© en 1939 au moment de la mobilisation parce qu'il avait signĂ© des publications pacifistes, l'Ă©crivain a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© fin aoĂ»t 1944, quelques jours aprĂšs le dĂ©barquement alliĂ©, sur les ordres du ComitĂ© de LibĂ©ration de Manosque, qui lui reproche sa collaboration Ă la revue La Gerbe. Giono est internĂ© pendant quelques mois, et il est le 9 septembre inscrit sur la liste noire du ComitĂ© National des Ăcrivains, redoutablement actif dans l'Ă©puration. En mars 1945, libĂ©rĂ©, il sĂ©journe pendant quatre mois Ă Marseille chez son ami Gaston Pelous, Ă l'extrĂ©mitĂ© du Boulevard Baille, dans l'intimitĂ© familiale qu'il a Ă©voquĂ©e dans NoĂ©. Un nouveau personnage surgit alors dans son esprit, c'est AngĂ©lo, le futur hĂ©ros de Le Hussard sur le toit, dont NoĂ© nous conte aussi la naissance. C'est donc vraisemblablement au printemps de 1945 que le romancier forme le projet d'un cycle consacrĂ© au Hussard avec l'idĂ©e, semble?t?il, de faire alterner des Ă©pisodes anciens et des Ă©pisodes modernes. Du printemps Ă l'automne 1945, il commence Le Hussard sur le toit, mais, rencontrant des difficultĂ©s, il Ă©crit brusquement, au dĂ©but de l'automne 1946, Un Roi sans divertissement commencĂ© en 1943, suivi immĂ©diatement de NoĂ©. Un Roi, c'est donc une sorte de brusque crochet Ă l'intĂ©rieur du cycle d'AngĂ©lo. Ce crochet, ? ou cette parenthĂšse ? est liĂ© Ă l'idĂ©e de la chronique, germĂ©e dĂšs 1937 mais rĂ©activĂ©e au printemps de 1946 pour des raisons matĂ©rielles. Alors que le cycle d'AngĂ©lo est fait de gros romans Ă©pais, longs Ă Ă©crire, des chroniques assez brĂšves comme Un Roi rĂ©pondraient mieux en effet Ă des nĂ©cessitĂ©s alimentaires dans la mesure oĂč Giono Ă©tait sur la liste noire, "un conte par mois pour l'AmĂ©rique permettrait de vivre en attendant". On voit ainsi se former le projet d'Ćuvres courtes, proches de la nouvelle, Ă©crites "Ă la volĂ©e", en "style rĂ©cit", conduisant "rapidement au dĂ©nouement". Un Roi sans divertissement appartient donc Ă ce genre nouveau de la chronique, dont l'ensemble est imaginĂ© comme un gigantesque opĂ©ra?bouffe formant un cycle de courts rĂ©cits oĂč alterneraient deux Ă©poques, le XIXĂšme siĂšcle et le XXĂšme siĂšcle. Voici ce que disait Giono Composer un opĂ©ra?bouffe de la façon la plus libre. Se placer Ă©galement dans le moderne de la façon suivante. Le I Ă©tant Un Roi sans divertissement, le II pourrait ĂȘtre par exemple un rĂ©cit de voyage Ă pied, en car, Ă travers la DrĂŽme, etc. [...], les pays que j'aime. Ce que j'emporte, mon carnier, pipe, livre, tabac. Mes hĂŽtels et auberges. Mes rapports avec les gens [...]. Le III pourrait ĂȘtre une trĂšs bucolique histoire d'amour avec Cadiche, la fille aĂźnĂ©e de Mme Tim [...]. De temps en temps, venir aux temps actuels ». D'un cĂŽtĂ©, une suite au drame contĂ© dans Un Roi ; de l'autre, un fantaisiste et actuel rĂ©cit de voyage mettant en scĂšne l'auteur lui?mĂȘme on songe aux Choses vues de Victor Hugo, que Giono venait de relire, et au Voyage sentimental de Sterne. Giono s'est expliquĂ© lui?mĂȘme avec une parfaite nettetĂ© sur ce qu'il appelait ses "chroniques" dans la prĂ©face de 1962 Le plan complet des chroniques romanesques Ă©tait fait en 1937. Il comprenait une vingtaine de titres dont quelques?uns Ă©taient dĂ©finitifs, comme Un Roi sans divertissement, NoĂ©, Les Ămes fortes, Les Grands chemins, Le Moulin de Pologne, L'Iris de Suse etc. [...] Toutes les histoires sont maintenant Ă©crites, certaines sont publiĂ©es, d'autres n'ont pas encore atteint le degrĂ© de maturitĂ© et de correction pour l'ĂȘtre. Il s'agissait pour moi de composer les chroniques, ou la chronique, c'est-Ă -dire tout le passĂ© d'anecdotes et de souvenirs, de ce "Sud imaginaire" dont j'avais, par mes romans prĂ©cĂ©dents, composĂ© la gĂ©ographie et les caractĂšres. Je dis bien "Sud imaginaire", et non pas Provence pure et simple. [...] J'ai créé de toutes piĂšces les pays et les personnages de mes romans. [...] J'avais donc, par un certain nombre de romans, Colline, Un de Baumugnes, Regain, Le Chant du monde, Le Grand troupeau, Batailles dans la Montagne, etc... créé un Sud imaginaire, une sorte de terre australe, et je voulais, par ces chroniques, donner Ă cette invention gĂ©ographique sa charpente de faits divers tout aussi imaginaires. Je m'Ă©tais d'ailleurs aperçu que dans ce travail d'imagination, le drame du crĂ©ateur aux prises avec le produit de sa crĂ©ation, ou cĂŽte Ă cĂŽte avec lui, avait Ă©galement un intĂ©rĂȘt qu'il fallait souligner, si je voulais donner Ă mon Ćuvre sa vĂ©ritable dimension, son authentique libertĂ© de non?engagement. C'est pourquoi j'avais placĂ© dans les premiers numĂ©ros du plan gĂ©nĂ©ral un livre comme NoĂ© oĂč l'Ă©crivain lui?mĂȘme est le hĂ©ros et, vers la fin, plusieurs petits ouvrages oĂč, au contraire, il disparaissait entiĂšrement dans la crĂ©ation livrĂ©e brute. [...] Entre ces deux extrĂȘmes le thĂšme mĂȘme de la chronique me permet d'user de toutes les formes du rĂ©cit, et mĂȘme d'en inventer de nouvelles, quand elles sont nĂ©cessaires et seulement quand elles sont exigĂ©es par le sujet.» Voir sur Amazon On peut ainsi fĂ©dĂ©rer les chroniques de Giono autour des caractĂšres suivants La chronique se distingue du roman par un style plus narratif, moins descriptif ou moins lyrique. Le personnage y devient plus important que la nature. Le temps y est dĂ©terminant. Les chroniques sont historiquement situĂ©es aux XIXĂšme et XXĂšme siĂšcles, avec des glissements d'un siĂšcle Ă l'autre. Il ne s'agit pas d'histoires ni de romans historiques, mais d'annales, rapportĂ©es selon l'ordre du temps, avec l'opacitĂ© d'une pure chronologie, et constituĂ©es de dĂ©tails de vies individuelles plus que d'un tableau d'Ă©poque. Les chroniques s'inscrivent dans un milieu, un Sud imaginaire, c'est-Ă -dire un groupe social, une rĂ©alitĂ© plus sociologique que gĂ©ographique. On a souvent tort en effet de confondre ce "Sud mental" avec la Provence Giono n'est rien moins qu'un Ă©crivain rĂ©gionaliste !. Dans Un Roi sans divertissement, les lieux sont certes parfaitement identifiables la rĂ©gion de Lalley, dans le TriĂšves, aux confins de l'IsĂšre et de la DrĂŽme, mais c'est une rĂ©gion que Giono s'est rĂ©appropriĂ©e. De ce "cloĂźtre de montagnes", il a pu dire "C'est de ce pays au fond que j'ai Ă©tĂ© fait pendant plus de 20 ans" Journal, 1946. La chronique raconte un fait divers Ă portĂ©e mĂ©taphysique ce qui est en cause ici, c'est la condition humaine. Mais qu'on n'en attende pas non plus de leçon ». L'incertitude maintenue sur les mobiles des personnages et mĂȘme sur leurs actes se contente tout au plus de poser des questions fondamentales. A la diffĂ©rence des romans, la prĂ©sence du narrateur ou du rĂ©citant peut ĂȘtre concurrencĂ©e par une succession de "tĂ©moins" auprĂšs desquels il mĂšne une sorte d'enquĂȘte. Ce n'est que par la reconstitution de ces fragments, comme dans un puzzle, que le lecteur peut prĂ©tendre apprĂ©hender les ressorts fondamentaux de l'intrigue et des personnages. II - TemporalitĂ© et narration. Le livre, Ă©crit Giono, est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage Ă©tait l'Arbre, le HĂȘtre. Le dĂ©part, brusquement, c'est la dĂ©couverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencĂ© par un ĂȘtre inanimĂ©, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscitĂ© l'assassin tout simplement, et aprĂšs, l'assassin a suscitĂ© le justicier. C'Ă©tait le roman du justicier que j'ai Ă©crit. C'Ă©tait celui-lĂ que je voulais Ă©crire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien Ă faire dans l'histoire. » Ăvinçant plus tard le rĂŽle de l'arbre, Giono a proposĂ© lui-mĂȘme, dans le Carnet du roman, un rĂ©sumĂ© possible de l'intrigue d'Un Roi sans divertissement Ă travers le portrait moral de Langlois, son protagoniste central C'est le drame du justicier qui porte en lui-mĂȘme les turpitudes qu'il punit chez les autres. Il se tue quand il sait qu'il est capable de s'y livrer. [...] Quelqu'un qui connaĂźtrait le besoin de cruautĂ© de tous les hommes, Ă©tant homme, et, voyant monter en lui cette cruautĂ©, se supprime pour supprimer la cruautĂ©.» RĂ©sumĂ© Dans un village du TriĂšves enfoui sous la neige, ont lieu des Ă©vĂ©nements Ă©tranges. Une jeune bergĂšre, Marie Chazottes, disparaĂźt, un homme est attaquĂ©, un porc est mutilĂ©. L'hiver suivant, Ă nouveau, un homme disparaĂźt. Arrivent alors au village six gendarmes conduits par le capitaine Langlois, chargĂ© de rĂ©soudre ces mystĂšres. Nouvelle disparition. L'hiver suivant, FrĂ©dĂ©ric II, qui possĂšde une scierie Ă l'Ă©cart du village, voit un homme descendre d'un grand hĂȘtre. Il monte dans l'arbre, dĂ©couvre les cadavres des disparus et suit l'homme jusqu'Ă Chichilianne. Il apprend son identitĂ© c'est un certain M. V. Langlois, Ă son tour, part Ă la recherche du criminel, le trouve chez lui, le tue, puis dĂ©missionne. Quelques mois plus tard, Langlois revient au village, comme commandant de louveterie. Il s'installe chez Saucisse, une "vieille lorette de Grenoble", qui tient le CafĂ© de la Route. Il frĂ©quente le monde de la contrĂ©e la crĂ©ole Mme Tim, le procureur royal de Saint-Baudille, se marie, s'ennuie. Lorsqu'un loup ravage le pays, Langlois le traque et le tue dans une cĂ©rĂ©monieuse battue. DĂšs lors, il comprend que le seul divertissement qui vaille est le meurtre. Il se suicide en fumant un bĂąton de dynamite pour que la fascination du sang ne fasse pas de lui, Ă son tour, un assassin. Cette fiction Ă©talĂ©e sur quatre annĂ©es nous est contĂ©e dans un systĂšme narratif relativement complexe qui consiste en un va-et-vient du temps de l'Ă©criture 1946 au temps de la fiction 1843-1848, en passant par les relais narratifs fournis par des tĂ©moins ultĂ©rieurs 1868, 1916. Le champ temporel couvert par la fiction se situe ainsi au XIXĂšme siĂšcle, alors que celui de la narration se poursuit jusqu'Ă l'Ă©poque moderne, ce que Giono appelle le "temps prĂ©sent". Au dĂ©but de NoĂ©, il Ă©voque ce moment oĂč, Un Roi terminĂ©, le romancier est comme happĂ© par la vie de ses personnages dans un mĂ©lange temporel qui est bien celui du roman Ce pays oĂč je viens de vivre sous la neige de 1843 Ă presque 1920, puisque c'est en 1920 que j'ai imaginĂ© qu'on m'a racontĂ© l'histoire ». Il est facile de repĂ©rer les diffĂ©rents mouvements par lesquels le narrateur passe des Ă©vĂ©nements de 1843 une sĂ©rie de disparitions mystĂ©rieuses dans un village de montagne aux annĂ©es du temps prĂ©sent, oĂč il connaĂźt les descendants de ceux qui ont, soixante-quinze ans auparavant, jouĂ© un rĂŽle dans l'histoire. La numĂ©rotation des FrĂ©dĂ©ric I, II, III, IV est l'expression cocasse de cette circulation Ă travers les Ă©poques. Un descendant supposĂ© de lit GĂ©rard de Nerval pendant les vacances. Ici, une allusion au buste de Louis-Philippe, lĂ une Ă©vocation de l'huile pour autos Texaco. Quand j'interrogeais Giono, dit Robert Ricatte, sur les raisons qui l'avaient incitĂ© Ă manipuler curieusement dans les chroniques le cours du temps, il invoquait son bon plaisir "Je me suis aperçu que c'Ă©tait une technique amusante et qui m'offrait des facilitĂ©s. Jusqu'ici, j'avais Ă©crit des histoires qui commençaient au dĂ©but, qui se suivaient. J'en avais assez. Ăa m'a sĂ©duit de mĂ©langer les moments. J'ai voulu ajouter un piment, m'amuser."» Cet amusement a consistĂ© Ă multiplier, du mĂȘme coup, les instances de la narration. Et en effet, le narrateur, maĂźtre du jeu temporel, glisse, avec des effets plus ou moins cocasses, d'une Ă©poque Ă l'autre parfois, il renonce Ă occuper une position en surplomb, il disparaĂźt, par exemple, pour laisser la place aux perceptions, Ă l'angoisse, Ă l'attente des villageois pendant l'hiver 1843. Le jeu des pronoms est intĂ©ressant Ă Ă©tudier, car il correspond Ă un changement d'instance temporelle en mĂȘme temps qu'Ă un changement de point de vue. Car, dĂšs qu'on Ă©voque les divers niveaux temporels, on est renvoyĂ© Ă la question qui parle ? C'est-Ă -dire Ă la dĂ©signation du ou des locuteurs. Les caractĂšres de la narration interfĂšrent avec ces couches temporelles diversifiĂ©es A cet ordre de la fiction, schĂ©matisĂ© ci-dessus, l'Ă©crivain prĂ©fĂšre une tout autre organisation qui coĂŻncide avec l'entrĂ©e en scĂšne de plusieurs voix narratives LES POINTS DE VUE les numĂ©ros de pages renvoient toujours Ă l'Ă©dition Folio, Gallimard. pages pronoms Ă©poque de la narration Ă©poque de la fiction commentaires Ă 51 Je = le narrateur. 1946 1843 Jusqu'ici cette alternance nous fait partager les angoisses d'une famille du village et le point de vue supĂ©rieur d'un narrateur qui prĂ©pare ses thĂšmes. On, Nous = collectivitĂ© villageoise. 1843 1843 pp. 64 Ă 80 pas de narrateur apparent. p. 80 Je = FrĂ©dĂ©ric. 1845 1845 Au cours de la poursuite de les parenthĂšses nous font pĂ©nĂ©trer dans la pensĂ©e de FrĂ©dĂ©ric. p. 86 p. 127 Nous, On = des vieillards Je = l'un d'eux. 1916 1846 Entre le Narrateur et l'histoire, s'installent des relais ainsi ces vieillards qui, "Ă une certaine Ă©poque", "il y a plus de trente ans", lui ont parlĂ© de Langlois. pp. 152 Ă 160 Je = Saucisse. 1868 1847 Saucisse parle plus de vingt ans aprĂšs les faits elle s'adresse Ă ceux de son village, qui ont conservĂ© une vive curiositĂ© Ă l'Ă©gard des Ă©vĂ©nements passĂ©s. p. 240 Je = Anselmie. 1868 1847 RapportĂ© par Saucisse, le rĂ©cit d'Anselmie nous fait voir, par son regard bornĂ©, l'Ă©pisode pourtant essentiel de la dĂ©capitation de l'oie. p. 243 Je = le narrateur. 1946 1848 Pour le rĂ©cit rapide du suicide de Langlois, on retrouve le narrateur, capable d'en interprĂ©ter le sens symbolique. III- Un rĂ©cit lacunaire. C'est sans doute une des caractĂ©ristiques du roman moderne, par rapport au roman qu'on appelle classique ou traditionnel, que d'ĂȘtre un rĂ©cit lacunaire, c'est-Ă -dire un texte qui ne livre pas d'emblĂ©e tous les tenants et aboutissants de l'intrigue, et qui, au fond, laisse le lecteur sur sa faim, ne lui disant pas tout ce qu'il aimerait savoir et lui laissant le soin d'interprĂ©ter, d'Ă©mettre des hypothĂšses, de se poser des questions. Encore faudrait?il se garder de l'idĂ©e simpliste que tout roman classique est d'une clartĂ© parfaite, que les comportements des protagonistes y sont constamment mis en pleine lumiĂšre, qu'aucun des Ă©lĂ©ments de l'histoire racontĂ©e ne demeure dans une zone d'ombre. Il y a bien de "silences du rĂ©cit" l'expression est de Marcel Schwob Ă propos de Stevenson dans les grands romans du XIXĂšme siĂšcle. Mais c'est un fait que sous l'influence de beaucoup de romanciers Ă©trangers DostoĂŻevski, Stevenson, Conrad, Henry James le roman français a Ă©tĂ© progressivement conduit AndrĂ© Gide, avec Les Faux-Monnayeurs, a Ă©tĂ© un relais important Ă faire une part de plus en plus belle aux silences du rĂ©cit. Tel roman de Bernanos, Monsieur Ouine, est un exemple de roman lacunaire. Beaucoup de "nouveaux romans" pourraient ĂȘtre rangĂ©s sous cette rubrique. Chez Giono, une chronique comme Les Ămes fortes se prĂ©sente comme une sĂ©rie de tĂ©moignages contradictoires sur un passĂ© lointain ; chacune des protagonistes voit ce passĂ© selon son optique prĂ©sente, les mots profĂ©rĂ©s servant autant Ă le recrĂ©er selon la pente du dĂ©sir ou de la rĂȘverie qu'Ă ĂȘtre le compte rendu scrupuleux de ce qui a Ă©tĂ©. Une phrase d'Un Roi sans divertissement semble rĂ©sumer toute l'esthĂ©tique de Giono "On ne voit jamais les choses en plein". L'observateur, aussi bien, n'est pas toujours situĂ© Ă la meilleure place il arrive mĂȘme, Ă plusieurs reprises, qu'il soit hors du lieu oĂč se passe une scĂšne essentielle. D'oĂč tout un art du silence, de l'allusion, de la discrĂ©tion, qui vise Ă mĂ©nager des ombres, Ă respecter des secrets. Mais il faut se garder d'un jugement simpliste, car, dans ce domaine du rĂ©cit lacunaire, il existe bien des degrĂ©s, et l'on est est loin avec Un Roi de ces puzzles auxquels nous ont habituĂ©s certains romans rĂ©cents. D'autant que, d'un autre cĂŽtĂ©, Un Roi sans divertissement se prĂ©sente un peu comme un apologue, une illustration saisissante d'une observation de moraliste, Ă savoir la phrase de Pascal citĂ©e Ă la fin du roman "Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres". Cette maxime, au moins a posteriori, inonde de lumiĂšre tout le rĂ©cit. Le prix d'Un Roi, ce qui en fait sans doute un chef-d'Ćuvre, c'est justement l'effort du romancier pour voiler cette lumiĂšre, mĂ©nager des zones d'ombre. La manĆuvre n'est Ă©videmment jamais d'ordre simplement esthĂ©tique l'Ă©clatement des points de vue dans le roman, et les incertitudes qu'ils crĂ©ent sur ce qui est vraiment su et dit, ressortissent Ă une conviction morale. Les lacunes du rĂ©cit nous invitent en effet Ă la plus extrĂȘme prudence quant aux jugements que nous pourrions hĂątivement porter sur les personnages, et nous convainquent que, dans ce domaine, tout est bien affaire de point de vue. IV- Une fable mĂ©taphysique ? Ce qui frappe le lecteur d'Un Roi, c'est d'abord la verve du conteur, la libertĂ© d'allure, le ton parlĂ©, le caractĂšre parfois familier, toujours savoureux d'un parler pittoresque pour raconter des choses cocasses. Par exemple, le portrait de Martoune "Suivre Martoune n'est pas de la petite biĂšre !" etc... On peut citer aussi l'Ă©vocation de Mme Tim, mĂšre et grand?mĂšre, saisissant "au hasard un de ses petits-enfants qu'elle se mettait Ă pitrogner..." Il faut se rappeler ici la conception que Giono a de la chronique comme opĂ©ra?bouffe. Beaucoup dâexemples nous sont ainsi offerts, et beaucoup de nuances, dans la goguenardise, la dĂ©sinvolture, la cocasserie le portrait d' Anselmie, les circonstances mĂȘmes de la disparition de son mari, le portrait de Delphine, la corpulence de Saucisse et le cheval de Langlois, "cheval noir et qui savait rire", etc. Cette cocasserie du langage jure avec l'atmosphĂšre pesante et mĂȘme tragique du roman soucieux de dĂ©sarçonner son lecteur, Giono organise volontiers des contrastes, tel ce hĂȘtre somptueux qui contient les ossements des cadavres, et mĂȘme un cadavre frais le vĂ©gĂ©tal et les ossements !. HĂȘtre monstrueux par sa beautĂ© et par ce qu'il porte de façon incongrue, cet "Apollon citharĂšde" des hĂȘtres, c'est l'arbre aux oiseaux et aux cadavres. Autre thĂšme contrastĂ© est le motif du sang vermeil sur la neige. Le goĂ»t de la cruautĂ© - et d'une cruautĂ© assez monstrueuse - est ancien chez Giono, mais il a pris chez lui de plus en plus d'importance. Le thĂšme du sang sur la neige apparaĂźt en tout cas dans le roman Ă plusieurs reprises, sans doute trouvĂ©, comme le suggĂšre Luce Ricatte, dans l'Ă©pisode de l'oie blessĂ©e du Perceval de ChrĂ©tien de Troyes L'oie Ă©tait blessĂ©e au col. Elle saigna trois gouttes de sang, qui se rĂ©pandirent sur le blanc. On eĂ»t dit une couleur naturelle. L'oie n'avait tant de douleur ni de mal qu'il lui fallĂ»t rester Ă terre. Le temps qu'il y soit parvenu, elle s'Ă©tait dĂ©jĂ envolĂ©e. Quand Perceval vit la neige qui Ă©tait foulĂ©e, lĂ ou s'Ă©tait couchĂ©e l'oie, et le sang qui apparaissait autour, il s'appuya sur sa lance pour regarder cette ressemblance. Car le sang et la neige ensemble sont Ă la ressemblance de la couleur fraĂźche qui est au visage de son amie. Tout Ă cette pensĂ©e, il s'en oublie lui-mĂȘme. Pareille Ă©tait sur son visage cette goutte de vermeil, disposĂ©e sur le blanc, Ă ce qu'Ă©taient ces trois gouttes de sang, apparues sur la neige blanche.» Le Conte du Graal ou Le Roman de Perceval. On peut en relever les occurrences, et apprĂ©cier le jeu des contrastes contrastes du blanc et du rouge, du tiĂšde et du froid, de la pulsation et de l'immobilitĂ©, de la vie et de la mort. En mĂȘme temps, se dĂ©ploie une intensitĂ© croissante dans la fascination de Langlois, qui est Ă son comble quand il regarde un long moment, Ă la fin du roman, le sang de lâoie sur la neige. Deux autres thĂšmes essentiels parcourent Un Roi, celui de la fĂȘte, et, trĂšs liĂ© Ă ce thĂšme, celui de la parure, des objets et des vĂȘtements de cĂ©rĂ©monie. LĂ encore, c'est sur le mode de la contemplation fascinĂ©e qu'apparaĂźt l'Ă©clat des lumiĂšres, ou la beautĂ© des verres, des cristaux, des porcelaines sur la table dressĂ©e chez Mme Tim. Au cours de la messe de minuit, Langlois avoue avoir Ă©tĂ© "fortement impressionnĂ©" par les candĂ©labres dorĂ©s, et par les belles chasubles. Voyez comme il Ă©voque l'ostensoir, "cette chose ronde avec des rayons semblables au soleil". Mais Ă la fĂȘte spontanĂ©e, exercice de libertĂ© et d'improvisation, Langlois prĂ©fĂšre la cĂ©rĂ©monie soigneusement organisĂ©e. Ainsi, militaire et monacal, il rĂšgle de main de maĂźtre la battue au loup. Ce qui donne Ă la fĂȘte son caractĂšre, outre le cĂ©rĂ©monial, c'est qu'elle rompt la chaĂźne des habitudes. Le dimanche de la battue est un "dimanche insolite". La fĂȘte, solennelle et cĂ©rĂ©monieuse, c'est le divertissement elle est lumiĂšre et exaltation sur fond de noir, de nĂ©ant, de disparition prochaine. Le contraire de la fĂȘte, l'enfer de l'absence de fĂȘte, c'est sans doute, en contrepoint, l'Ă©pisode de la visite Ă Mme V. Cette veuve aux yeux rougis est une figure de dĂ©sespoir, et la brusque intrusion de Langlois dans une quotidiennetĂ© sans joie le situe peut?ĂȘtre Ă la source mĂȘme de ce qui a Ă©tĂ© chez besoin Ă tout prix de divertissement, le divertissement suprĂȘme Ă©tant le meurtre. Car le thĂšme central du roman est, bien sĂ»r, l'ennui, cet ennui que Langlois cherche secrĂštement Ă conjurer par une surenchĂšre de fĂȘtes et de cĂ©rĂ©monies. Pour peindre cette vacuitĂ©, le narrateur Ă©voque aussi bien le silence engourdi des campagnes pp. 15-16 que les rituels par lesquels le hĂ©ros prĂ©tend y Ă©chapper chasse au loup, repas chez Mme Tim, messe de minuit rĂ©duite Ă son esthĂ©tique... Le lecteur ne dispose que de quelques notations brĂšves pour mesurer le sens de cette agitation et aussi son Ă©chec "L'homme dit que la vie est extrĂȘmement courte." p. 223. Par lĂ , le roman touche Ă la mĂ©taphysique. Loin de proposer Ă l'ennui qui ronge l'humanitĂ© la solution pascalienne, qui ne saurait rĂ©sider que dans la foi, Giono se limite Ă l'Ă©vocation d'une recherche jamais assouvie de tout ce qui peut le conjurer, fĂ»t-ce le meurtre. Mais on ne peut parler ici d'une vision tragique de l'existence car, dans Un Roi, outre une illustration mĂ©taphorique de la condition humaine, on retiendra surtout le mĂ©lange d'amusement et de monstruositĂ©. Giono Ă©crivait le 12 avril 1946, probablement Ă propos du Hussard sur le toit "Je manque totalement d'esprit critique. Mes compositions sont monstrueuses et c'est le monstrueux qui m'attire. Pourquoi ne pas lĂącher la bride et faire de nĂ©cessitĂ© vertu ?". Se divertir avec du monstrueux ? Une certaine provocation n'est pas absente de cette intention, d'autant que le narrateur d'Un Roi nous invite souvent Ă considĂ©rer que et Langlois sont "des hommes comme les autres". Simplement, nous ne disposons pas du mĂȘme systĂšme de mesures pour en juger. De ces deux personnages, il importe en tout cas de souligner le naturel, ce goĂ»t pour les "choses non geignardes", comme Giono le note dans NoĂ©, qui nous empĂȘche de parler de registre tragique, encore moins de pathĂ©tique "Les hommes comme Langlois n'ont pas la terreur d'ĂȘtre solitaires. Ils ont ce que j'appelle un grand naturel. Il n'est pas question pour eux de savoir s'ils aiment ou s'ils ne peuvent pas supporter la solitude, la solitude est dans leur sang, comme dans le sang de tout le monde, mais eux n'en font pas un plat Ă dĂ©guster avec le voisin" NoĂ©.
[box type= »bio »] Senda Souabni Jlidi, UniversitĂ© de Tunis I [/box] [box type= »info »] Varia du dossier Lâabsurde au prisme de la littĂ©rature, les vignettes prĂ©sentent, sous forme de brĂšves, quelques unes des Ćuvres emblĂ©matiques du mouvement littĂ©raire de lâabsurde.[/box] Dans Un roi sans divertissement, publiĂ© en 1947 et Ă©crit en un peu plus dâun mois, du 1er septembre au 10 octobre 1946, Jean Giono situe lâhistoire un hiver de 184⊠dans un village de montagne. Une sĂ©rie de disparitions se produit dont le coupable reste introuvable jusquâĂ ce quâarrive un capitaine de gendarmerie qui se charge de lâenquĂȘte Langlois. Lâintrigue pourrait ĂȘtre simplement policiĂšre si les motivations du meurtrier et celles du policier nâĂ©taient pas dâun autre ordre que celles qui dâordinaire rĂ©gissent ce genre. Le titre et la phrase de clausule[1] qui renvoient Ă Pascal donnent au texte une rĂ©sonnance qui situe lâenquĂȘte sur un plan diffĂ©rent de celui commun aux romans policiers. De fait, sâil sâagit bien de meurtres et de disparitions, il sâagit aussi dâoccuper le vide dâun monde insubstantiel » tel que lâaffirme Robert Ricatte[2]. Dans ce village que la neige ensevelit pour de longs mois dâinactivitĂ© et dâennui, le blanc devient synonyme de vide Ă remplir et dâangoisse Ă dissiper. Car cette nature rendue soudain hostile nâest pas tant une menace physique quâune atteinte Ă lâĂȘtre mĂȘme, mettant lâhomme face Ă soi, lâobligeant Ă une confrontation qui, pour le dire comme Pascal, fait rĂ©flĂ©chir au Malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misĂ©rable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de prĂšs[3]. Tous droits rĂ©servĂ©s Câest en cela quâUn roi sans divertissement module de façon fort originale la thĂ©matique de lâabsurde et doit se lire comme une protestation contre la condition humaine. Giono ne dĂ©montre pas. Il raconte â dâailleurs de façon fort lacunaire pour garder aux personnages tout leur mystĂšre â le tĂątonnement au bout duquel le gendarme finit par comprendre les motivations du meurtrier sâil tue câest par fascination pour le rouge du sang contrastant avec le blanc de la neige, y trouvant un remĂšde Ă lâennui distillĂ© par un hiver qui semble ne jamais vouloir finir. Introduisant ainsi le motif esthĂ©tique, Giono fait le pari que seul le recours au Beau est salutaire dans une condition dĂ©sespĂ©rĂ©e. Plus innocemment, les villageois â prisonniers dans un village que la neige rend inaccessible de lâextĂ©rieur mais Ă©galement paralysĂ©s de peur Ă lâidĂ©e dâĂȘtre surpris par le meurtrier â rĂȘvent, cloĂźtrĂ©s et oisifs, dâun monde aux couleurs du paon[4] ». La couleur, nĂ©gation du blanc assimilĂ© au linceul de neige qui recouvre le village et y fige toute vie, est la possibilitĂ© dâintroduire dans lâhostilitĂ© primitive du monde[5] », un divertissement, câest-Ă -dire une possibilitĂ© de dĂ©tourner lâesprit de la pensĂ©e tragique de la mort. La couleur se charge dâapporter une consolation Ă lâabsurditĂ© de lâexistence. Câest pourquoi le narrateur dâUn roi sans divertissement qui a vite compris que lâinterprĂ©tation la plus probante des crimes commis Ă©chappe aux raisons admises et conventionnelles dans ce genre dâaffaire, situe son enquĂȘte sur le plan de la BeautĂ© non sur celui de la VĂ©ritĂ©. Il rejette par exemple le point de vue â prosaĂŻque â de son ami historien pour faire de lâacte meurtrier une rĂ©ponse au nĂ©ant[6]. Si lâassassin tue câest donc pour apposer son empreinte sur un monde qui le nie. Le meurtre pourrait ĂȘtre compris comme la rĂ©ponse Ă ce silence dĂ©raisonnable du monde[7] » dont parle Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Ainsi donc, dans ce roman qui illustre le tragique de la conscience quand elle prend acte de lâabsurde, le but de Giono nâest pas, malgrĂ© le titre, de se rallier Ă Pascal et de trouver le salut dans la pensĂ©e de Dieu, mais de montrer que la tentative la plus aboutie, la seule digne dâĂȘtre retenue pour contrer lâabsurde est le geste esthĂ©tique. En faisant couler le sang de ses victimes sur la neige, le meurtrier se crĂ©e par ce spectacle hypnotique les conditions du bonheur. Que ce bonheur soit temporaire, illusoire, factice, lĂ nâest pas la question et dâailleurs les victimes potentielles sont lĂ©gion. Le temps de lâextase, tirĂ© hors de lui-mĂȘme, diverti, le meurtrier dĂ©passe les limites de la condition humaine et Ă©chappe Ă la finitude. Dans lâespace illimitĂ© de la neige sans contours ni repĂšres, il inscrit son dĂ©sir dâabsolu. Il existe alors hyperboliquement. Giono ne se soucie pas de morale. Peu importe que la victime soit innocente. La question nâaffleure jamais dans le texte. La rĂ©flexion esthĂ©tique exclut la rĂ©flexion Ă©thique. Le narrateur affirme, entrant dans les raisons du criminel [âŠ] je veux dire quâil est facile dâimaginer, compte tenu des cheveux trĂšs noirs, de la peau trĂšs blanche, du poivre de Marie Chazottes, dâimaginer que son sang est trĂšs beau. Je dis beau. Parlons en peintre[8]. Par ailleurs, le dĂ©sir de cruautĂ© est inscrit dans tous les hommes. Il ne sâagit pas dâen discuter. Giono le note comme une Ă©vidence. Lâaffirmation que lâauteur des crimes est un homme comme les autres[9] » nâest pas une condamnation de tous les hommes mais le constat quâils rĂ©pondent aux insuffisances de la condition humaine par les moyens qui leur sont donnĂ©s, en particulier par cette part de monstruositĂ© naturelle Ă tout un chacun. Par cette illustration de la banalitĂ© du mal », Un roi sans divertissement fait allĂ©geance au contexte qui lâa vu naĂźtre. Cependant, nâest pas roi qui veut. Le meurtre conjurateur de lâennui dans Un roi sans divertissement est le fait de ces Ăąmes dâexception â que Giono appelle les Ăąmes fortes[10] » â qui font fi des normes aussi bien humaines que divines et bousculent les limites qui leur sont imparties. En tuant, est un roi qui se divertit. En acceptant dâĂȘtre tuĂ© par Langlois qui reconnaĂźt en lui un homme au-dessus de la loi puisquâil ne le livre pas Ă la justice, il paye le tribut de cette transgression et montre que le dĂ©fi lancĂ© Ă la condition humaine vaut bien quâon en meure. Câest sans doute cela que Langlois comprend dans lâultime et silencieux face Ă face avec Devenant son frĂšre, son semblable, contaminĂ© par le vertige existentiel, confrontĂ© Ă lâabsurditĂ© dâune existence devenue Ă©triquĂ©e et dont le sens en dehors de lâacte de tuer est absent, se sentant incapable de rĂ©sister plus longtemps Ă lâattrait du meurtre, ayant essayĂ© en vain des divertissements moins royaux, Langlois se suicide en fumant un bĂąton de dynamite. Mais quel hommage plus grand Ă lâart que celui que lui rend Giono en en faisant le divertissement par excellence, celui qui sublime la peine de vivre et de mourir ? Car lâauteur sait bien que la conscience câest lâennui[11] » et quâil est un besoin vital pour lâhomme de trouver Ă sâen dĂ©tourner. Dans une boutade qui nâen est peut-ĂȘtre pas une Giono affirme Le cinĂ©ma jâentends par cinĂ©ma toute industrie dâillusion nous permet dâaccomplir nos crimes sans fatigue, sans danger, dans un fauteuil. Ajoutons que ce fauteuil aide Ă lâusage de la mĂ©taphysique dans la vie courante [âŠ][12]. homme dâavant le cinĂ©ma, devait, lui, parcourir de grandes Ă©tendues, quittant son village pour le village voisin, traversant la montagne Ă la lisiĂšre des nuages, pour obtenir cette divine satisfaction. Affronter lâabsurde ne va pas sans risque ni fatigue. [1] Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres ? », Ćuvres romanesques complĂštes, III, Paris, Gallimard, BibliothĂšque de La PlĂ©iade », p. 606. DorĂ©navant ORC. [2] Le genre de la chronique » in ORC, p. 1288. [3] Fragment 139 des PensĂ©es dans lâĂ©dition Brunschvicg. [4] ORC, p. 459. [5] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, in Essais, Paris, Gallimard, BibliothĂšque de La PlĂ©iade », 1965, p. 108. Edition Ă©tablie et annotĂ©e par Roger Quilliot et Louis Faucon. [6] Evidemment, câest un historien ; il ne cache rien il interprĂšte. Ce qui est arrivĂ© est plus beau, je crois. » ORC, [7] Lâabsurde naĂźt de cette confrontation entre lâappel humain et le silence dĂ©raisonnable du monde. » Albert Camus, Essais, p. 117-118. [8] ORC, p. 480. [9] Affirmation plusieurs fois rĂ©itĂ©rĂ©e dans le rĂ©cit. [10] Titre dâune Chronique de Giono mais appellation qui peut sâappliquer aussi bien Ă quâĂ Langlois. [11] Le DĂ©sastre de Pavie, in Journal, PoĂšmes, Essais, Paris, Gallimard, BibliothĂšque de La PlĂ©iade », 1995, p. 931. Ădition publiĂ©e sous la direction de Pierre Citron.
Un sociologue me classerait dans la catĂ©gorie quantitative des grands lecteurs » ce qui ne signifie pas que je lis bienâŠ. Dâabord, tout petit, jâai contemplĂ© les livres de mes parents qui se sont rencontrĂ©s en mai 68 Ă Toulouse. Pas mal de brĂ»lots des Ă©ditions Maspero et autres du mĂȘme acabit⊠Je les tripotais, saisissant sans doute quâils recelaient des choses considĂ©rables. Plus tard, vint la folie des BD de Gotlib Ă Marvel. Et puis lâadolescence⊠pendant cette pĂ©riode, mes hormones me forcĂšrent Ă oublier la lecture, en dehors des magazines dâactualitĂ©, de l'Equipe et de Rockân Folk. Mais la critique musicale est heureusement lieu de refuge de lâexigence littĂ©raire. Et il arrive souvent aux commentateurs sportifs de se lĂącher. De temps en temps, je feuilletais encore les ouvrages de la bibliothĂšque familiale A quatorze ans, je nâavais aucune culture littĂ©raire classique, mais je savais expliquer les thĂ©ories de Charles Fourier, de Proudhon, et je savais qui Ă©taient les Tupamaros ». JâĂ©tais en Seconde quand le premier dĂ©clic survint la lecture du Grand Meaulnes. Je garde le sentiment dâavoir goĂ»tĂ© Ă la puissance onirique de la littĂ©rature. Et le dĂ©sir dây retoucher ne mâa jamais quittĂ©. Puis je fus reçu dans une hypokhĂągne de province. La principale tĂąche Ă©tait de lire, Ă foison. Et depuis lors, je nâai plus vĂ©cu sans avoir un livre ouvert. Quand je finis un livre le soir, je le range, et lis une page du suivant avant de me coucher. Pour ne pas interrompre le fil de cette "vie parallĂšle" qui sâoffre Ă moi. Lire, câest la libertĂ©. Pas seulement celle que procure lâesprit critique nourri par la lecture, qui Ă tout moment peut vous dĂ©livrer dâun prĂ©jugĂ©. Mais aussi et peut-ĂȘtre surtout lâimpression dĂ©licieuse de se libĂ©rer dâune gangue. Jâimagine que lâOpium doit procurer un ressenti du mĂȘme ordre. Lire permet de converser avec les morts, avec nâimporte qui, de se glisser dans toutes les peaux et dâĂȘtre la petite souris quâon rĂȘve⊠Adolescent, jâai souvent songĂ© que je volais, par exemple pour aller rejoindre une copine laissĂ©e au port⊠Et la lecture permet, quelque peu, de sâaffranchir du temps, de lâespace, des Ă©checs , des renoncements et des oublis, des frontiĂšres matĂ©rielles ou sociales, et mĂȘme de la Morale. Je nâemprunte pas. JâachĂšte et conserve les livres, mĂȘme ceux que je ne lis pas jusquâau bout ou qui me tombent des mains. Ma bibliothĂšque personnelle, câest une autre mĂ©moire que celle stockĂ©e dans mon cerveau. Comme la mĂ©moire intime, elle vous manque parfois, et on ne saurait alors dire un mot sur un livre quâon passa trois semaines Ă parcourir. Mais on peut Ă tout moment rouvrir un livre, comme on peut retrouver sans coup fĂ©rir un souvenir enfoui dans la trappe de lâinconscient. Lire est Ă lâindividu ce que la Recherche Fondamentale est au capitalisme une dĂ©pense inutile Ă court terme, sans portĂ©e mesurable, mais dĂ©cisive pour aller de lâavant. Lire un livre, câest long, et câest du temps volĂ© Ă lâagenda Ă©conomique et social qui structure nos vies. Mais quand chacun de nous lit, câest comme sâil ramenait du combustible de la mine, pour Ă©clairer la ville. Toute la collectivitĂ© en profite, car ses citoyens en sont meilleurs, plus avisĂ©s, plus au fait de ce qui a Ă©tĂ© dit, expĂ©rimentĂ©, par les gĂ©nĂ©rations humaines. Le combat pour lâĂ©mancipation a toujours eu partie liĂ©e avec les livres. Je parie quâil en sera ainsi Ă lâavenir. Jâai Ă©tĂ© saisi par l'envie de parler de ces vies parallĂšles. De partager quelques impressions de lecture, de suggĂ©rer des chemins parmi tant dâautres, dans les espaces inĂ©puisables de lâĂ©crit. Comme un simple lecteur. Mais toujours avide. Je vous parlerai donc des livres que je lis. Parlez-moi des vĂŽtres. JĂ©rĂŽme Bonnemaison, Toulouse.
un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres